20.7.07

"Jesus ?? This is Iggy "


C’est avec ces mots qu’Iggy Pop ouvrait l’une des dernières chansons du « Lust for life » et c’est dans une vie antérieure que nous l’avons retrouvé hier, en compagnie de la formation historique des Stooges, en ouverture du festival 07 de Benicassim. Plusieurs dizaines de milliers de jeunes européens issus d’une middle class qui tient bon la rampe socio-économique (comptez environ 400 euros par personne et une moyenne d’âge de 24/26 ans) étaient venus voir de leurs yeux « le » messie punk rock fraîchement sorti de sa tombe frappée « 1969 » et vérifier que oui, « Dieu existe et son fils est ressuscité ».

Et celui-ci n’a pas fait dans le détail travaillant à l’arme lourde les standards du premier album stoogien, révélant à qui l’ignorait encore la brutale intelligence musicale d’une formation de quinquas radicaux au look oscillant entre Guy Debord et Cheap Thrill. Sur scène, Iggy apparaît puissant, se fondant dans sa doublure eucharistique, jouant le « dog » glapissant qu’il a voulu créer, « pur instant de soumission rock’n roll », prêt à s’évaporer atomiquement dans la fumée de l’espace-temps. Einstein Iggy sert tout frais des morceaux conçus dans son esprit vicieux, il y a presque cinquante ans (alors que l’on en est aujourd’hui à fêter Elvis, notez bien le carambolage spatio-temporel). Puis l’incroyable se produit. Dans un geste de prophète, Iggy étouffe dans l’œuf la messe stoogienne en cours. « We gonna have a real good time together » chante-t-il avant de faire monter sur scène une cinquantaine de fans ahuris. Le service de sécurité l’a mauvaise. Les gens hurlent, se pâment en touchant le corps de l’iguane, en faisant semblant de lui arracher les cheveux. « Easy easy » déclame Iggy qui vient là d’atteindre l’éternité. Christ est vivant, Christ est ressuscité… Il entonne « No Fun », il fait redescendre tout le monde sans incident. En un tout petit quart d’heure, il pulvérise le star system comme les fondements de la culture sécuritaire… Iggy est grand, il peut devenir ce qu’il est vraiment ; ce vieux monsieur dont les vaisseaux sont tout prêts à exploser ; ce corps usé qui danse mieux qu’il ne marche (problème de hanche ? Sans doute se déplace-t-il aujourd’hui avec une canne).

Au fur et à mesure des chansons, son visage prend 10, 20, 30 ans… Mutation. Le voilà tout droit sorti de Hell Raiser. Undead increvable attaquant l’optimisme consumériste à la racine, portrait craché d’Antony Perkins dans Psychose. Ou plutôt de sa cruelle maman (quasiment son rôle dans le magnifique « Dead man » de Jim Jarmush). Soudain, l’effroi nous saisit devant la proximité de la mort, de l’imminence de la putréfaction. Iggy est toujours là et hurle à la mort alors que le gang stoogien plie bagage. On pourrait imaginer une fin épique, les dernières paroles de Didon à l’instant de son suicide « J’ai fini de vivre. Et maintenant je vais descendre sous la terre comme une grande image » (Virgile). Mais Iggy ne veut pas mourir et jette un œil torve à la foule. Aimez moi aimez moi, aimez moi pour ce que je suis semble-t-il dire, ce cri terrible au delà de la chair, cette impudique excitation à vivre et à se laisser mourir.
Adios Iggy, cheers.

Antoine BeniCouder

1 commentaire:

SBS a dit…

Belle chronique. De quoi t'envier d'être là-bas et nous ici… En attendant la Chine et Shangaï ou Pékin…!! SBS